Avant toute chose, nous tenons à préciser que ces deux outils pédagogiques sont excellents et peuvent être utilisés de manière complémentaire pour la formation incendie. Cet article n’a pas vocation à faire ressortir un outil par rapport à l’autre. Néanmoins, nous voulons préciser les caractéristiques, les avantages et les contraintes du bac à feu, en le comparant au simulateur de feu en réalité virtuelle, dans l’objectif de donner des pistes de réflexion aux formateurs incendie souhaitant s’équiper. Pour cela, nous proposons de passer en revue tous les critères qui entrent en compte dans la formation pratique à la sécurité incendie, à la fois pour les apprenants et les formateurs.
L’expérience du rayonnement du feu
Le bac à feu est un outil de formation à la sécurité incendie très efficace. Également appelé générateur de flammes, il permet de créer une vraie combustion pour entraîner les collaborateurs d’un établissement à réaliser un exercice incendie sur de véritables flammes. C’est là le principal avantage du bac à feu, car l’apprenant peut ressentir le rayonnement du feu (chaleur) lui permettant de jauger physiquement le danger en fonction de la distance d’attaque.
Bien qu’il soit possible d’afficher le niveau de température dans le casque, il est néanmoins compliqué de faire ressentir en réalité virtuelle la chaleur qui rayonne autour du feu. Même des radiateurs radiants connectés ne suffiraient pas à rendre l’expérience suffisamment réaliste. Sur le seul critère de l’expérimentation du rayonnement du feu, nous recommandons une formation utilisant un bac à feu, plutôt qu’un simulateur de feu en réalité virtuelle. |
Le maniement des extincteurs
Le principe du bac à feu consiste à faire manipuler de véritables extincteurs aux apprenants. Ils ont ainsi la possibilité de pulvériser physiquement l’agent extincteur sur le départ de feu pour tenter de l’éteindre. Cela peut être du CO2 pour l’extincteur CO2, de l’eau (avec ou sans additif) pour l’extincteur à eau, de la poudre pour l’extincteur ABC.
En la matière, l’opinion est partagée. D’un côté, on peut clairement penser qu’il est préférable de manipuler en conditions réelles les extincteurs, comme c’est le cas avec le bac à feu. Les extincteurs connectés à la réalité virtuelle permettent de simuler de manière très réaliste tous les gestes (dégoupillage, percussion, pulvérisation), avec de véritables extincteurs (YouRescue utilise des extincteurs de marques Sicli et Desautel), mais cela reste une simulation, puisqu’aucun agent extincteur ne sort physiquement de l’extincteur. Avantage donc au bac à feu pour le maniement des extincteurs. Mais, d’un autre côté, on peut se dire que cela génère des rejets indésirables pour l’environnement : l’additif, la poudre, et bien sûr le CO2, ne sont pas neutres d’un point de vue écologique. A titre d’exemple, le CO2 contenu dans un extincteur CO2 2kg représente une vingtaine de km parcourus en voiture. Si chaque apprenant dans un groupe de 12 personnes vide un extincteur CO2, cela émet l’équivalent en carbone d’un trajet Lyon-Avignon. Le simulateur de feu en réalité virtuelle quant à lui ne génère aucune pollution pour l’environnement. Par ailleurs, en formation, l’exercice sur bac à feu n’est pas sans risque, puisqu’un défaut sur l’extincteur, qui est sous pression (plus de 13 bar), peut entraîner de graves accidents. Cela est notamment arrivé à Challes les Eaux le 13 mai 2019 où un extincteur a explosé à la figure d’une aide-soignante du Médipôle, lui ôtant définitivement l’usage d’un œil. Le simulateur de feu supprime ce risque puisque les extincteurs ne sont pas sous pression. |
L’immersion dans la situation
Ce qu’on attend d’une formation, quelle qu’elle soit, est de transmettre à l’apprenant une compétence. Selon Guy Le Boterf, professeur associé à l’Université de Sherbrooke (Canada), docteur en sciences humaines et docteur en sociologie, la compétence est la mobilisation ou l’activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte données. Il est donc fondamental en formation non seulement de transmettre les bonnes connaissances (théorie) mais aussi de les contextualiser dans la pratique, afin de s’assurer que l’apprenant va savoir accomplir les bons gestes dans une situation précise.
Sur la mise en situation, l’avantage va très nettement à la réalité virtuelle, puisque le scénario de formation permet de plonger l’apprenant dans son environnement de travail (par exemple un entrepôt pour un cariste), et de le faire interagir avec son environnement, notamment : – activer le déclencheur manuel sur le mur, – appeler les secours après avoir trouvé un téléphone, – choisir le bon extincteur en fonction du type de feu (corbeille à papiers, armoire électrique, palette … ), – évacuer. Certains bacs à feu permettent d’ajouter des accessoires pour simuler l’origine du feu : écran plat, corbeille, feu de friteuse, armoire électrique, explosion d’aérosol, moteur électrique, explosion d’huile. Mais, cela reste moins réaliste que le simulateur de feu en réalité virtuelle. En outre, le générateur de flammes limite l’exercice incendie uniquement à la lutte contre le feu, lorsque le simulateur de feu permet à l’apprenant d’appliquer toute la chronologie des gestes attendus en cas de départ de feu. |
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Mise en place et logistique
Le fonctionnement du bac à feu
Avant de développer ce point, qu’est-ce qu’un bac à feu et comment fonctionne-t-il ?
Il existe plusieurs tailles de bac à feu : allant du bac à feu compact (70 cm de largeur, 14 kg) jusqu’au grand bac à feu (117 cm, 41 kg) pour des flammes plus hautes et plus puissantes (jusqu’à 3 m).
Le bac à feu nécessite de brancher une bouteille de gaz (butane) qui sert de combustible. La bouteille est placée à bonne distance du feu et est raccordée au bac à feu via un tuyau (longueur de 3 m). Certains bacs à feu fonctionnent avec de l’eau et d’autres sans eau. L’eau permet de répartir le gaz de manière plus homogène à sa surface pour générer de belles flammes. Grâce à une télécommande filaire, le formateur peut diffuser le gaz et déclencher les allumeurs électriques pour générer les flammes à distance. Il peut également les arrêter si nécessaire.
La mise en place du bac à feu
Pour installer le bac à feu, il faut compter une quinzaine de minutes et surtout prévoir un endroit sécurisé à l’extérieur, souvent le parking de l’entreprise, à 8 mètres minimum de tout obstacle (bâtiments, véhicules …). Il doit de préférence être à proximité d’un robinet d’eau afin de remplir le bac à feu, et éventuellement recharger les extincteurs entre deux sessions. Par ailleurs, la météo doit être clémente (pas de pluie, peu de vent) pour le confort des apprenants.
Le rangement du bac à feu
Une fois la formation délivrée, le formateur doit nettoyer abondamment au jet d’eau afin de dissiper l’agent extincteur répandu sur le sol par les apprenants. Il faut compter à nouveau une bonne quinzaine de minutes pour ranger le matériel, après avoir attendu que le bac en inox se refroidisse. Pour transporter un bac à feu, la bouteille de gaz et tous les extincteurs, il convient de prévoir une camionnette, ainsi que des équipements de protection individuelle tels que des chaussures de sécurité et des gants.
La préparation des extincteurs pour la formation sur bac à feu
Enfin, entre deux sessions de formation de type bac à feu, le formateur devra recharger ses extincteurs. Pour les extincteurs à eau, il faut les remplir et changer la sparklet, une cartouche de gaz permettant à la fois de mettre sous pression l’extincteur au moment de la percussion par l’apprenant, et de diffuser l’additif dans les 6L d’eau. Pour recharger 12 extincteurs, il faut prévoir une bonne heure. Les extincteurs CO2, quant à eux, doivent être rechargés chez des professionnels.
On voit bien que sur la mise en place et la logistique, le bac à feu est beaucoup plus contraignant, – à la fois pour le formateur puisqu’il doit trouver un endroit à l’extérieur adapté, avoir un véhicule utilitaire et préparer longuement son matériel (1h30 au total de préparation contre 15 minutes avec le simulateur de feu en réalité virtuelle) ; – et pour les apprenants qui devront sortir de l’entreprise pour réaliser leur exercice incendie (mobilisation sur le temps de travail plus importante et possibilité d’annulation de la formation pour cause d’intempéries), alors que le simulateur de feu s’utilise directement dans la salle de formation. |
Coûts
Enfin, il est évident qu’on ne peut conclure cet article sans parler de la dimension budgétaire. S’il est moins cher de s’équiper d’un bac à feu, à savoir 2500 euros HT en moyenne (extincteurs inclus), contre 6500 euros HT pour le simulateur de feu en VR, il faut étudier sur le long-terme le coût des consommables, notamment :
- la recharge d’un extincteur à eau (7 euros HT environ),
- la recharge d’un extincteur CO2 (40 euros HT environ),
et comparer ces charges au coût de l’abonnement annuel pour le logiciel et la maintenance du simulateur en réalité virtuelle (2500 euros HT / an si le formateur active un seul pack de scénarios). Nous contacter pour plus d’informations à ce sujet.
Nous calculons qu’au-delà de 14 sessions de formation par an, il est plus économique de s’équiper d’un simulateur de feu en réalité virtuelle (hypothèse de 12 stagiaires par session qui consomment 10 extincteurs à eau et 2 extincteurs CO2).
Nous plaçons les deux outils à égalité d’un point de vue financier, car la situation change selon le volume de formation délivré par le formateur. |
Nous nous sommes efforcés tout au long de cet article d’être le plus impartial possible. Néanmoins, nous savons que les avis sont très partagés sur la question au sein de la communauté des formateurs, alors n’hésitez pas à nous laisser ci-dessous vos commentaires !