Vincent Lemaire, Belge de 55 ans, physiothérapeute de formation, a commencé sa carrière en Suisse puis suivi des formations complémentaires au Canada en tant qu’ambulancier paramedic. Il poursuit désormais cette activité en Suisse dans le service Ambulance Riviera de la plateforme publique de sécurité ASR au sein du canton de Vaud. Vincent est un homme de terrain. Il est au contact des personnes qui ont besoin de premiers soins d’urgences. Pour honorer sa mission, reconnue en Suisse en tant que profession soignante, il dispose d’une autonomie très étendue pour le diagnostic, le traitement et l’orientation de prise en charge des victimes. Vincent a voulu poursuivre son parcours en créant son entreprise Be! Rescuer. Il nous raconte ci-dessous la genèse de son projet et pourquoi et comment il a placé la réalité virtuelle au cœur de sa stratégie.
Qu’est-ce qui t’a poussé à créer Be!Rescuer ?
Cela a commencé il y a une quinzaine d’années avec la frustration venue du front des urgences où l’on est souvent confronté à des situations dans lesquelles il y a des témoins qui n’ont pas été en mesure d’agir… Il y a un réel besoin de former en amont Monsieur et Madame Tout-le-Monde aux premiers gestes de secours. Ce sont eux qui sont au contact des victimes, ils ont un rôle majeur en tant que premiers intervenants pendant les 12 minutes d’attente moyenne avant l’arrivée des urgences. Après une période de bénévolat, j’ai passé un diplôme fédéral de formateur d’adultes sur 4 ans et ai commencé à former, avec une spécialisation sur une nouvelle approche de formation pédagogique pour la pédiatrie d’urgence. Cela m’a apporté de nombreux clients pour lancer mon activité en tant qu’indépendant en 2016.
Très vite, je me suis rendu compte des limites de la formation dans ce domaine. Comme il est important de recycler fréquemment la formation initiale (tous les 2 ans), les gens viennent deux fois en formation continue sans problèmes. Mais si la deuxième fois est similaire à la première fois avec une approche trop théorique, ils viennent à reculons la troisième fois. J’ai donc remis en question la manière de faire et proposé à mes apprenants beaucoup plus de pratique (70%), plus d’interactions avec des ateliers de simulation en réduisant la théorie, ou plutôt en intégrant la théorie à la pratique. Je me suis formé au maquillage professionnel, et ai donc commencé à grimer les participants au cours des sessions. Les résultats ont été au-delà de mes attentes. Le niveau de réalisme obtenu dans les simulations font vivre aux participants une expérience très proche de la réalité, ce qui fait que les gens retiennent beaucoup mieux et se sentent mieux préparés. D’expérience, j’ai pu constater qu’il y a une marche énorme à combler entre la sortie de la formation et la mise en application à cause du niveau de stress émotionnel qui paralyse vraiment les gens en situation réelle. C’est la raison pour laquelle je recherche toujours l’ultra-réalisme dans ce que je fais pour réduire au maximum cette marche. Ma valeur ajoutée en tant que formateur est de faire vivre les situations aux apprenants au plus proche des conditions réelles avec une bonne dose de stress. C’est ma proposition pour leur faire acquérir des gestes qu’ils seront capables de répliquer comme des réflexes le moment venu, sans que le stress ne prenne le dessus.
Et c’est exactement ce qui est rendu possible avec la réalité virtuelle, que j’ai découverte fin 2016 grâce à une expérience qui me permettait de visiter la ville de Bruges 200 ans en arrière. Ce jour-là, une graine était semée, même si je n’en ai pas pris conscience tout de suite. J’ai fouillé sur le web et je suis tombé sur Wanadev qui lançait son activité avec son scénario de secourisme YouRescue, exactement dans mon domaine! C’est à ce moment-là que j’ai eu le déclic. La réalité virtuelle apporte l’immersion au cœur de la situation d’urgence avec un niveau de stress réaliste, et la possibilité d’interagir comme dans la vraie vie. J’ai été l’un des premiers utilisateurs et les retours de marché ont été incroyables. J’ai donc créé Be!Rescuer par la suite, avec comme objectif de permettre à un maximum de gens de passer à l’action et de devenir sauveteur grâce à la réalité virtuelle, car ce sont eux qui sauvent les vies en premier lieu.
Comment tu déploies la réalité virtuelle chez tes clients ?
Je tiens à préciser d’abord que la réalité virtuelle n’est pas une fin en soi ; elle est en revanche parfaitement complémentaire avec l’approche traditionnelle pour l’apprentissage des gestes de base. C’est un excellent outil de transfert de compétences entre le formateur et l’apprenant. Je mets cet outil uniquement entre les mains de formateurs habilités ou bien de personnes ressources chargées de le déployer en interne chez mes clients, car j’ai lancé tout récemment une activité de location de dispositifs de réalité virtuelle avec la solution YouRescue.
Les personnes ressources sont des personnes pédagogues, volontaires, connaissant bien l’entreprise. Elles doivent avoir reçu une formation BLS AED de 8h (équivalent de la formation SST en Suisse) et une formation de 4h à l’usage de la réalité virtuelle pour la formation au secourisme. Elles vont pouvoir faire passer leurs collègues en toute autonomie pour diffuser largement la compétence dans l’entreprise. Comme cela, si un cas d’arrêt cardiaque se présente, toutes ces personnes formées pourront se relayer en attendant l’arrivée de quelqu’un de plus qualifié ou tout simplement des secours.
J’utilise beaucoup le format “atelier 15 minutes” recommandé par YouRescue : 5 minutes en VR + 10 minutes sur le mannequin pour les recyclages ou les initiations. Ces ateliers sont très efficaces pour changer la perception qu’ont les gens des gestes qui sauvent. Bien souvent, les apprenants arrivent en pensant que cela est réservé aux professionnels. Ils en sortent prêts à passer à l’action pour bon nombre d’entre eux. Et dans certains cas, ça leur donne envie d’aller plus loin, donc cela génère des vocations !
Les clients sont particulièrement friands de ce nouveau mode de formation, car il est très rapide, en ne mobilisant pas trop sur le temps de travail des salariés, et efficace auprès des apprenants.
Quelles sont tes perspectives sur ton activité de location de dispositifs de réalité virtuelle YouRescue ?
Mon ambition est de déployer 10 à 12 kits de réalité virtuelle d’ici la fin de l’année 2020. 3 belles entreprises sont en train de me passer commande en Suisse. C’est un excellent début !
Nous proposons un abonnement à 2500 francs suisses / poste pour un mois, avec une dégressivité importante à 850 francs suisses / poste / mois pour un engagement sur 12 mois.
Ce modèle de location est vertueux car plus l’entreprise fait passer de personnes, moins ça lui coûte par collaborateur, ce qui se raccroche parfaitement à la mission de Be!Rescuer qui consiste à former le plus grand nombre possible de personnes.
Nous accompagnons les entreprises dans le déploiement de l’outil, notamment à la première utilisation, et dans le suivi des collaborateurs formés.
Pour croître sereinement, je compte recruter un responsable pédagogique et une personne en charge des aspects logistique et informatique dans les prochains mois.
Bravo à toi, nous souhaitons beaucoup de succès à Be!Rescuer. Souhaites-tu ajouter quelque chose ?
Oui ! Peut-être, les premiers succès que nous avons remportés depuis la création de l’entreprise !
Tout d’abord, une personne de 58 ans, victime d’un arrêt cardiaque en pleine course à pied, en montagne, au milieu de nul part, a pu être sauvée grâce à un autre coureur à pied qui le suivait de près. Il a entamé immédiatement la réanimation, renforcé en cela par 3 autres coureurs entre-temps, ce, durant 25 minutes jusqu’à l’arrivée de l’hélicoptère de sauvetage qui amenait un défibrillateur. Résultat, la victime a complètement récupéré, sans aucune séquelle et a pu reprendre sa vie normale grâce au premier témoin; ils sont devenus de grands amis depuis. Il s’avère que ce premier sauveteur venait d’être formé la veille de la course à pied par Be!Rescuer et vécu une immersion en réalité virtuelle ! L’équipe YouRescue avait relayé cette belle histoire. Et il se trouve qu’une seconde personne a été également réanimée avec succès par l’un de nos participants en formation il y a quelques mois.
Par ailleurs, nous avons été Lauréat d’un prix “Best démo & conférence” lors d’un symposium en 2018, ce qui a fortement contribué au lancement et à la visibilité de Be!Rescuer.
Enfin, nous projetons de mettre en route une étude pédagogique avec une université dans le but d’étayer l’utilité et la pertinence de la réalité virtuelle dans le domaine de la formation médicale, et en premiers secours en particulier, avec YouRescue bien entendu !