Le feu représente un risque majeur pour les entreprises qu’il convient de gérer de manière responsable. Au-delà de la réglementation et des mesures de prévention que nous détaillerons dans un article à venir, nous voulons ici sensibiliser le lecteur sur l’ampleur de ce risque et sur l’importance de la formation à la sécurité incendie, d’abord en rassemblant quelques statistiques édifiantes sur le travail des Sapeurs-Pompiers en France, ensuite en rappelant quelques feux historiques récents qui ont marqué l’ensemble des Français et qui ont eu des conséquences sanitaires, environnementales, juridiques et économiques.
Quelques statistiques sur l’incendie en France
Selon la DGSCGC (Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises) dans son rapport 2017 sur “Les statistiques des services d’incendie et de secours” :
- On compte pas moins de 306 600 incendies en France (en augmentation de 7% par rapport à 2016) dont 14 600 feux d’ERP (Etablissements Recevant du Public), d’entrepôts, de locaux industriels, artisanaux, ou encore agricoles.
- En 2017, on dénombre 277 décès liés aux incendies, 1 226 victimes en urgence absolue et 13 411 victimes en urgence relative.
- Nos 248 000 Sapeurs-Pompiers passent 19% de leur temps d’intervention sur les incendies. A titre indicatif, on rappelle le budget de fonctionnement des Sapeurs-Pompiers en France qui se monte à 4,17 milliards d’euros, soit 80 euros par habitant.
- Ces 10 dernières années, on déplore 87 décès de Sapeurs-Pompiers en service. Si ce chiffre est en baisse de 52 % par rapport à la décennie précédente, il en est hélas tout autrement concernant les 2813 agressions qu’ils subissent, en très forte augmentation (+23% en un an).
On le voit, le risque incendie est majeur. Il a de réelles conséquences humaines. Ces conséquences seraient nettement amplifiées sans l’action remarquable des pompiers que nous saluons au passage.
Retour sur des feux récents de bâtiments d’entreprises ou d’ERP en France
Passons alors en revue quelques incendies récents. Nous allons voir qu’ils ont tous en commun des conséquences graves.
- Incendie de l’usine Lubrizol à Rouen
Le 26 septembre 2019 prenait feu l’usine Lubrizol à Rouen. Un site industriel de 2,4 ha, produisant des additifs pour les lubrifiants et carburants, partait en fumée avec 5000 tonnes de produits chimiques, provoquant un panache de fumée noire de 20 km de long et 6 km de large. 240 pompiers ont lutté pendant plus de 7 heures à l’aide d’un dispositif impressionnant de 200 camions provenant du SDIS 76 et des renforts venus de départements voisins.
Fort heureusement, cet incendie n’a tué personne, mais les conséquences sanitaires et environnementales sont désolantes. La population avoisinante se plaint de nombreux symptômes tels que nausées, vomissements, maux de tête, vertiges, langue qui pique … Les agriculteurs constatent la pollution de leurs cultures, des retombées de suies d’hydrocarbures grasses difficilement nettoyables. 2000 d’entre eux ont l’interdiction de vendre leurs produits alimentaires (animaux ou végétaux) à la suite de cette catastrophe, ce qui représente un manque à gagner très dommageable et des incertitudes réelles.
Du côté de l’entreprise Lubrizol, si le principe du pollueur-payeur va s’appliquer (à ce jour 50 millions d’euros d’indemnités pour 450 agriculteurs), il n’y a aucune garantie que Lubrizol fasse le choix de reconstruire l’usine au même endroit, ce qui aurait un impact social et économique négatif pour la ville de Rouen. Et pour cause, selon l’INRS, deux entreprises sur trois ne reprennent pas leur activité après un incendie. L’impact financier pour l’entreprise n’est à cette date pas chiffrée, mais il est sans doute considérable.
- Incendie de la Cathédrale Notre-Dame de Paris
Au soir du 15 avril 2019 et tout au long de la nuit jusqu’au petit matin du 16 avril 2019, 400 pompiers de la BSPP ont lutté courageusement contre un incendie d’une ampleur colossale sur le toit de Notre-Dame de Paris. L’origine du feu se trouvait au niveau des échafaudages qui avait été montés pour nettoyer l’extérieur de la flèche de la cathédrale, noircie par la pollution.
Les Français et le monde entier ont ressenti une vive émotion à la vue de cet incendie qui a provoqué la perte d’un patrimoine historique, notamment la charpente monumentale et vieille de plus de 800 ans. Le travail des pompiers a permis de limiter les dégâts, mais l’effondrement du toit a affaibli la structure du monument. Les travaux qui devront être engagés pour sécuriser et reconstruire le bâtiment s’élèveront sans doute à plusieurs centaines de millions d’euros.
En dehors du coût, ce sont des fidèles qui seront privés de leur église et de nombreux touristes qui ne passeront pas par Notre-Dame pour visiter un haut lieu culturel Français. Enfin, plus de 400 tonnes de plomb ont fondu produisant des fumées toxiques jaunes et des retombées de particules de plomb dans tout le quartier, ce qui peut générer au pire des conséquences sur la santé des riverains, au mieux des inquiétudes et du stress.
- Incendie du bar Au Cuba Libre à Rouen
Dans la nuit du 5 au 6 août 2016, un groupe d’adolescents fête l’anniversaire de l’un d’entre eux dans cet établissement situé à Rouen. L’incendie s’est déclenché dans la cave à l’arrivée du gâteau qui était orné de bougies de type “feu de Bengale”. Ces longues bougies ont suffi à enflammer les mousses isolantes que les deux gérants avaient posées sur les murs et le bas plafond de cette cave, dans le but de préserver le voisinage des tapages nocturnes. L’incendie a provoqué la mort de 14 jeunes gens, le classant parmi les plus meurtriers de ces dernières décennies en France.
Un cas d’école qui témoigne d’une accumulation de négligences graves et de manquements à la sécurité : dissimulation aux autorités de la transformation de la cave en piste de danse, absence d’alarme incendie, escalier pas aux normes, issue de secours verrouillée, présence de mousse isolante hautement inflammable, absence de système de désenfumage, nombre insuffisant d’extincteurs …
Trois ans après le drame, les deux gérants ont été condamnés à trois ans de prison ferme pour homicides involontaires par violation délibérée d’une obligation de sécurité imposée par la loi.
La prévention et la formation à la sécurité incendie sont capitales pour éviter les catastrophes
Le feu ne pardonne pas. Quand il est là, il est trop tard pour prévenir, mais urgent d’agir car il est dévastateur. Les pompiers interviennent en dernier recours, mais ils ne doivent certainement pas être les seuls à traiter le sujet. La sécurité incendie est bel et bien l’affaire de tous car certains comportements humains néfastes sont souvent à l’origine des feux et peuvent donc être évités.
Par ailleurs, en cas de départ incendie, chacun est responsable pour alerter, utiliser les extincteurs, et faire évacuer afin d’éviter des désastres.
En conclusion, il n’est jamais trop tard pour sensibiliser les chefs d’entreprise aux lois en vigueur, aux conséquences du feu. Il n’est jamais trop tard non plus pour développer auprès des collaborateurs une culture sécurité, pour les former à la sécurité incendie. Chefs d’entreprise, dirigeants, passez à l’action !